lundi 12 mars 2007





AUTOUR DE LA RESILIENCE


Colloque d’ouverture 17 et 18 mars 2007
Résilience : dynamiques et enjeux




A l'origine, la résilience était un terme de physique correspondant à la capacité de résistance des matériaux. Le concept a été utilisé dans un contexte psychologique d’abord par les psychosociologues américains qui l’ont développé surtout entre 1960 et 1980. Il a été « découvert » et retravaillé quelques années plus tard en France où les écrits de Boris Cyrulnik ont déclenché un fort engouement pour cet « antidote au fatalisme » qui permet de ne pas baisser les bras devant des situations qui apparaissent comme particulièrement difficiles à surmonter. Si les travaux sont souvent centrés sur les trajectoires individuelles de vie, il apparaît très vite que le concept peut être utile dans un contexte beaucoup plus large dans la mesure où l’on considère qu’il y a trois niveaux de facteurs protecteurs en jeu dans la résilience: les ressources personnelles de l'individu, les ressources offertes par la famille et les ressources offertes par le groupe ou la communauté. Sous l’impulsion de Boris Cyrulnik, les chercheurs français ont travaillé non seulement à analyser les sources de la résilience mais aussi à en tirer des enseignements sur des actions concrètes à mener dans le domaine de la prévention: on citera en particulier les noms de Jacques Lecomte, Stefan Vanistendael (Bureau International Catholique pour l’Enfance), Michel Manciaux.

Le projet du Service de Coopération et d’Action Culturelle du Consulat de France à Jérusalem, de réaliser une série de colloques et de tables rondes autour du concept de résilience à partir des Territoires Palestiniens poursuit plusieurs objectifs : clarifier un mécanisme affectif et comportemental particulièrement vivant, jusqu’à présent, au sein de la population palestinienne ; illustrer les situations de résilience tant au niveau individuel que collectif en ayant recours à une approche comparative et multidisciplinaire ; analyser les facteurs et les limites de la résilience ; promouvoir les actions de coopération engagées dans le domaine de la santé mentale par le Consulat général de France à Jérusalem. Les approches psychologiques, psychanalytiques, sociologiques, historiques et culturelles doivent permettre d’analyser le phénomène avec des grilles de lecture complémentaires en faisant appel à des chercheurs français et palestiniens issus de disciplines différentes, favorisant ainsi le croisement des approches et l’enrichissement des échanges.

Grâce à une collaboration étroite avec l’Université de Birzeit (en particulier de l’Institut Ibrahim Abu Lughod d’Etudes Internationales, de l’Institut de Santé Publique/Santé Communautaire, du département de Sociologie et du département d’Education et de Psychologie) et deux ONG palestiniennes (« Palestinian Counseling Centre » -PCC- et « les Enfants du Jeu et de l’Education » -EJE-), se tiendra les 17 et 18 mars 2007 le colloque d’ouverture sur une série d’évènements « Autour de la résilience ».

Les Territoires palestiniens offrent bien malgré eux un terrain particulièrement propice pour mesurer la pertinence de l’utilisation du concept de résilience : que ce soit au niveau de l’ « état » émergent, à celui de la communauté (la ville, le village, le camp de réfugiés), de la famille ou de l’individu, les défis s’accumulent, tandis que les opportunités semblent progressivement disparaître. Après 40 ans d’occupation et deux Intifadas, la situation dans les Territoires Palestiniens est particulièrement préoccupante. Au nombre de morts, de blessés, de maisons détruites, d’hectares de terre confisqués, d’oliviers arrachés, de familles touchées par le chômage il faut ajouter la confrontation journalière à la violence, aux punitions collectives, à ce que les Palestiniens vivent comme la relation à l’arbitraire, au non-droit.

Tout ceci ne peut laisser l’individu, la famille, la société, intacts. De nombreuses études insistent sur l’impact des traumatismes. Elles entretiennent souvent la confusion entre ce qui est de la description des traumatismes vécus et ce qui relève des conséquences de ce vécu sur l’individu et la communauté. Le concept de Stress Post Traumatique (« PTSD ») a été très largement utilisé pour dénoncer l’effet déstabilisateur, voire même destructeur de ce contexte au niveau individuel. Les chiffres sont certes importants mais ne doivent pas faire oublier qu’un diagnostic de PTSD n’est ni prédictif de la capacité à fonctionner, ni un indicateur de la nécessité de faire appel à des soins spécialisés, en particulier quand on se situe dans un contexte de traumatisme collectif.

Face à la tendance à la psychiatrisation de la situation, le concept de « résilience » peut permettre de recentrer sur ce qui est « salutogénique » dans la famille et dans la société palestinienne. A partir du constat que certains individus, certaines communautés, gravement traumatisés, parviennent à surmonter leur souffrance, au lieu de mettre l’accent sur la détermination des facteurs de risque, la démarche consiste à rechercher les éléments qui ont pu aider au dépassement de la détresse, qui ont pu renforcer la capacité à rebondir.

L'histoire constitue le cadre essentiel de toute étude d'un phénomène social comme la résilience, car elle recèle de multiples variantes, sociales, culturelles, nationales, régionales. Il semble intéressant d’illustrer le thème de la résilience et la situation dans les Territoires Palestiniens de manière comparative en faisant référence à d’autres contextes historiques, géographiques, culturels. Aborder la résilience sous l’angle de l’histoire permet de mettre en relief un phénomène qui ne revêt pas toujours la même forme, occupe des espaces variables et peut naître pour ensuite disparaître. La comparaison par exemple entre les dynamiques durant la première et la deuxième Intifada apparaît particulièrement intéressante.

Les intervenants sont interrogés sur la pertinence de l’utilisation du concept, en général et
dans la situation palestinienne en particulier.

Boris Cyrulnik, psychiatre, Directeur d’Enseignement à l’Université de Toulon, dresse un état des lieux qui permet de comprendre l’origine et l’histoire du concept de résilience, les facteurs de résilience (qu’il appelle les « tuteurs » de résilience), les liens entre résilience et psychanalyse et résilience et traumatisme.

Roger Heacock aborde la résilience collective en revenant à l’histoire des relations intra- et internationales dans des contextes géographiques et culturels différents.

Il est aussi question de résilience collective avec Ismael Nashef qui envisage l’utilisation du corps comme outil de résistance dans le contexte historique de la lutte armée.

Toujours au niveau de la résilience de la communauté, Rana Nashashibi insiste sur le fait que la résilience n’est pas quelque chose d’acquis une bonne fois pour toutes, qu’il s’agit d’un processus qui connaît des hauts et des bas.

Majdi Malki évoque les déterminants de la survie sous occupation, en insistant sur le rôle de la famille et des sociétés locales comme « tuteurs » de résilience.

Avec Viet Nguyen-Gilham, la réflexion se recentre sur les adolescents qui ont été interrogés sur leurs sources de résilience pour faire face à leur vécu quotidien pendant la deuxième Intifada.

Souha Shehadeh rapporte le cas d’un patient, jeune adulte dont la vie a été une succession de traumatismes physiques, de ruptures relationnelles et qui pourtant a pu trouver des points de repère qui lui ont permis de ne pas sombrer dans la désorganisation psychique.

Michel Manciaux reprend le lien entre trauma, résilience, culture et sens (sens donné à l’événement ou à la situation, à la violence), mémoire. Il aborde également des limites de l’utilisation du concept.

Cairo ‘Arafat s’attache à analyser les facteurs de résilience chez les enfants palestiniens à la lumière des processus de socialisation et en particulier des dynamiques intergénérationnelles.

Hamit Bozarslan présente la résilience comme « la capacité d’un groupe vaincu à redéfinir ses modes de résistance » et illustre les dérives auxquelles on peut assister lorsque le processus ne se met pas en place, en particulier l’émergence de différentes formes de violence.

Une table ronde en conclusion ouvre des perspectives vers les applications pratiques de la résilience dans le travail de terrain.

Cette conférence se veut la première étape d’une série d’évènements qui seront organisés tout au long de l’année 2007 parmi lesquels deux ateliers d’une journée permettront des échanges d’une part à partir de travaux sur l’enfance et la résilience, et d’autre part à partir de travaux de recherche sur l’art et la spiritualité comme facteurs de résilience.

Pour tous ces évènements, les langues utilisées sont le français et l’arabe avec une traduction simultanée.

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